Numéro zéro de Umberto Eco

004019991« Un livre ? lui est-je demandé. Un livre. Les mémoires d’un journaliste. Le récit d’une année de travail pour préparer un quotidien qui ne sortira jamais. D’ailleurs, le titre du journal devra être Domani, demain. On dirait une devise pour le gouvernement : On en parle demain. »

Financé par un mystérieux Commander, Domani a pour vocation de faire peur à des personnes haut placées en divulguant des informations compromettantes. Celles-ci feraient alors rentrer le Commander dans leurs cercles en échange de son silence et de la mort du journal. Pour cela, une équipe de rédaction ignorant la situation va s’atteler à la création de douze numéros zéro.

Colonna, rédacteur en chef, va nous faire découvrir les réunions de rédaction de Domani : entre la censure constante du Commander et le côté racoleur des thématiques abordées, les journalistes sont rapidement déçus. Une attaque des méthodes de recrutement de l’ordre de Malte ? Hors de question, le Commander est l’un de leur membre, c’est même de là qu’il tire son titre ronflant. Un restaurant qui subsiste depuis des années malgré l’absence de client ? Sûrement pas, on ne s’attaque pas à la mafia et à son blanchiment d’argent ! C’est simple, soit le sujet n’est pas assez aguichant, soit il est trop brûlant pour le directeur Simei, seule personne avec Colonna à savoir que Domani ne paraîtra jamais.

Le lecteur le comprendra vite, Numéro zéro est avant tout une satyre du monde des médias et de ses dérives. L’auteur aborde notamment l’importance du rôle d’influenceur des journaux sur l’opinion publique. « Les journaux disent aux gens ce qu’ils doivent penser » tonne Simei ! Et pourtant, ça n’empêchera pas l’un des journalistes en herbe d’enquêter sur l’histoire la plus folle : Et si Mussolini était encore en vie ? Le duce est décrit comme étant l’ombre de lui-même et méconnaissable après sa capture par le Comité de Libération Nationale. Après tout, tous les dictateurs ont un sosie officiel. Difficile d’être sûr que c’était bien lui le jour de son exécution, le 28 avril 1945. Info ou intox, Colonna ne saurait dire mais il semble que son équipe soit dorénavant en danger.

Comme toujours, le regretté Umberto Eco joue délicieusement avec la langue tout en offrant un cours magistral sur la fin du fascisme en Italie. J’ai reçu Numéro zéro en livre audio, une première pour moi, et j’ai été agréablement surprise. Il se prête d’ailleurs très bien à la lecture à voix haute tant l’écriture est directe, proche du style journalistique peut-être, mais surtout verbal. La voix envoûtante du comédien Julien Allouf vous plonge dans le quotidien loufoque de cette rédaction italienne et, malgré quelques longueurs sur le règne de Mussolini, j’ai énormément apprécié cette analyse acerbe des médias.

Umberto Eco, Numéro Zéro, Editions Thélème, 2016.

4 commentaires Ajouter un commentaire

  1. Je ne connaissais pas ce titre d’Umberto Eco, mais ça me donne envie!

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    1. Numéro zéro n’est probablement pas son meilleur mais son travail sur la langue comme outil de manipulation est vraiment intéressant !

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  2. SensitiveLife dit :

    Un livre que je viens de lire. J’ai trouvé la forme un peu compliquée pour en arriver là. un peu déçue!

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    1. Comme je l’ai écouté en livre audio, je ne sais pas vraiment me prononcer sur la « forme », mais il est vrai que Umberto Eco prend de nombreux détours pour poser les bases de sa critique des médias. Un peu trop peut-être…

      Aimé par 1 personne

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