Lors de ses études à Strasbourg, Matthias Picard rencontre une personnalité atypique : sa voisine Jeanine. Sexagénaire attachante, Jeanine est une prostituée au destin extraordinaire : des plages de l’Algérie aux bureaux de l’ONU à Genève, en passant par une prison allemande, Jeanine a vécu 1000 aventures et fascine le jeune étudiant.

Mais je vous arrête tout de suite, cet album n’a rien d’un ouvrage misérabiliste sur la condition de prostituée, au contraire. Jeanine est un esprit libre qui n’a rien à cacher. Au fur et à mesure de leurs rencontres, elle lui racontera comment, à 22 ans, elle a découvert le plus vieux métier du monde, presque par accident.

Le fil de l’histoire est un peu décousu, c’est que Jeanine raisonne plus par association d’idées que par suite chronologique. Je t’ai raconté la fois où j’ai sauvé deux enfants lors d’une manifestation à Alger? Et celle où j’ai failli devenir championne olympique de natation ? Tiens, j’ai retrouvé des photos de moi à l’ONU quand j’étais devenue porte-parole des prostituées de France. Le résultat est un puzzle de souvenirs qu’on prend plaisir à remettre dans l’ordre. Celui est entre-coupé par les visites de Matthias chez la vieille dame. L’auteur se met en scène et les moments qu’il partage avec Jeanine sont tout aussi importants que les passages historiques. Au de-là de l’aspect biographique de Jeanine que le jeune étudiant prend de plus en plus à cœur, c’est surtout une belle rencontre humaine que vit l’auteur.

Naïve, fière, cynique, grande gueule, drôle, frimeuse, Jeanine est un vrai personnage qu’il aurait été dommage de ne pas connaître. Le genre de voisine qu’on aimerait tous avoir. Matthias Picard est très juste dans sa façon de la décrire, que ce soit ses forces ou ses faiblesses. Et pourtant, après 100 pages, Jeanine reste une énigme. Une très belle découverte.

Matthias Picard, Jeanine, L’Association, 2011.