La première fois que j’ai lu La servante écarlate, c’était en version originale pour un obscur cours d’anglais. Autant le dire tout de suite, j’étais complètement passé à côté de l’univers fascinant imaginé par Margaret Atwood. Une nouvelle lecture, en français cette fois, m’a permis de redécouvrir Gilead, une société autoritaire née dans les cendres de ce qu’il reste des Etats-Unis après qu’une importante catastrophe écologique ait rendu stérile une grande partie de la population.
Dans cette théocratie militaire, notre héroïne fait partie de la caste des Servantes, les dernières femmes fertiles qui sont affectées à des couples pour leur assurer une descendance.
La nouvelle adaptation télévisée de ce roman paru en 1985 a beaucoup fait parler de lui, mais ce n’est pas la seule raison de son succès. Les événement qui ont mené à l’instauration de ce régime totalitaire basé sur une lecture littérale des saintes écritures fait écho à des événements beaucoup plus actuels. Déjà en 1949, Simone de Beauvoir nous mettait en garde : « N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. »
La servante écarlate est un exemple de ce qu’il pourrait arriver si nous ne prenons pas garde. Dans cette dystopie, le terrorisme et le suicide démographique dû à l’infertilité croissante des américains conduisent à la mise en place d’un état d’urgence. La peur des attentats laisse la porte ouverte à toute une série de nouvelles lois. Elles viseront d’abord les étrangers, avant de s’attaquer à une autre tranche de la population : les femmes. Et petit à petit, une dictature se met doucement en place sans que personne n’ait jamais vraiment compris pourquoi et comment. Au début, le pouvoir s’attaquera à des droits qui encore aujourd’hui ne sont pas vraiment acquis, comme le droit à l’avortement. Puis, il ira toujours plus loin : interdiction de divorcer, interdiction de posséder un compte en banque et, enfin, interdiction de travailler. Le caractère « temporaire » de ces décisions et les violentes répressions du pouvoir en place vont rapidement soumettre les derniers contestataires. Bientôt, l’opinion publique ne s’indigne même plus et la société est divisée en castes. On va alors suivre le parcours de Defred, une servante au bord de la fracture qui arrive dans une nouvelle maison pour servir un Commandant et son épouse. Mais les viols ritualisés et cette surveillance constante pèsent lourdement sur ses épaules. Defred, dont on n’apprendra jamais le véritable nom, tente de survivre dans cet univers insoutenable avec pour seul espoir de pouvoir un jour revoir sa fille et son mari.
Sous ses faux aires de prophétie, ce roman d’anticipation relève l’importance de la littérature de fiction pour dénoncer de vrais problèmes de société. Avec un rythme de narration maîtrisé comme une partition de musique, Margaret Atwood démonte les fanatismes en tout genre avec énormément de poésie. Il en ressort un sentiment de profonde impuissance de la part de ses femmes dont on dispose comme d’une marchandise périssable, mais malgré tout beaucoup d’espoir en un avenir qui ne peut être que meilleur.
Margaret Atwood, La servante écarlate, Robert Laffont, 2017.
Parfaite analyse d’un livre totalement dérangeant !
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