Grossir le ciel de Franck Bouysse

Un coup de feu, une tâche rouge sur la neige, Gus en est persuadé, il est arrivé quelque chose à son voisin Abel. Si seulement il n’avait pas fermé les yeux au moment des détonations, il aurait pu en être sûr. Mais le lendemain, quand il retourne à la ferme à la recherche de son ami, il retrouve Abel bien en vie et plutôt mécontent de voir Gus fouiner chez lui. A partir de ce moment-là, plus rien ne sera pareil.

Mais avant ça : bienvenue aux Doges, dans les Cévennes ! Franck Bouysse nous fait découvrir l’univers de Gus : sa ferme isolée, ses vaches, son chien Mars et son voisin Abel avec qui il boit des coups de temps en temps histoire de tromper l’ennui, et la solitude.
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Abel est ce qui ressemble le plus à un ami, même si leur relation est surtout basée sur une entraide indispensable entre paysans. Ils sont tous deux bourrus et économes en parole, mais ça leur suffit amplement. Alors, quand leur relation commence à changer lors de cet hiver particulièrement rude, c’est tout le monde de Gus qui s’effondre.

Rythmé par le rare va-et-vient de certains visiteurs téméraires et le travail répétitif de Gus à la ferme, ce roman de Franck Bouysse est une vraie pépite pour ceux qui aiment prendre leur temps. L’auteur y décrit la campagne avec une noirceur qui colle aux murs autant qu’aux êtres, jusqu’au dénouement final qui vous laisse sans voix. L’atmosphère est pesante tout au long du récit et les dialogues bien ficelés nous font découvrir cette sagesse paysanne qui se perd peu à peu, mais sont aussi lourds de tous ces non-dits entre les personnages.

« Ce mardi-là, les trois types qui discutaient avec Peyrot au comptoir ne tournèrent pas la tête à l’arrivée de Gus. Ils avaient l’air de refaire le monde, enfin, ils devaient plutôt s’en arranger, vu que le monde ne poussait pas souvent la porte du bistrot. » 

Grossir le ciel refuse de s’installer véritablement dans un genre en particulier : polar du terroir, roman noir, suspense psychologique ? Ou finalement, un peu des trois à la fois, et c’est probablement pour ça que le charme opère si rapidement.

Franck Bouysse, Grossir le ciel, Le Livre de Poche, 2016.

4 commentaires Ajouter un commentaire

  1. Tout ce qui dit La Désordonnée et, en plus, une écriture musicale d’une précision rare et qui se démarque de celle que l’on retrouve à la chaine dans tous les romans noirs récents!

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  2. Mokamilla dit :

    J’ai été charmée. Et ce n’est pourtant pas dans mes horizons de lecture… Je relirai cet auteur.

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