Né d’aucune femme de Franck Bouysse

Certains secrets sont lourds à porter seul, et ça le Père Gabriel le sait bien. Ce n’est pas la première fois qu’on lui confie une vérité inavouable dans l’anonymat du confessionnal, mais celui-ci dépasse tout ce qu’il avait entendu avant. Lorsqu’il se voit remettre les journaux intimes de Rose par une employée d’un asile proche de sa paroisse, il ne s’attend pas à y découvrir l’inimaginable.

Vendue à 14 ans comme bonne à tout faire par un père désespérément pauvre, Rose s’imagine qu’en étant obéissante elle pourra amadouer son nouveau maître.  Mais quand les monstres vivent parmi nous, les jeunes filles comme Rose n’ont nulle part où fuir.

A travers le récit poignant de son long calvaire, Rose nous fera vivre son quotidien, entre le travail éreintant, la surveillance constante de la maîtresse des lieux et les quelques instants fugaces de bonheur qu’elle arrive à arracher à son destin. Elle tente malgré tout de s’épanouir dans ce huis clos, mais les maîtres veillent et, tout doucement, referment leur piège sur la jeune adolescente.

« C’est tout le problème des bonnes gens, ils savent pas quoi faire du malheur des autres. S’ils pouvaient en prendre un bout en douce, ils le feraient, mais ça fonctionne pas comme ça, personne peut attraper le malheur de quelqu’un, même pas un bout, juste imaginer le mal à sa propre mesure, c’est tout. » 

L’auteur nous offre une parodie de conte corrompu par les hommes, avec une jeune fille en pleine révolte, un manoir au creux d’une forêt, et un monstre qui menace de tout détruire. La violence est presque insupportable, mais la force de Rose s’épanouit malgré tout au fur et à mesure des pages et nous maintient dans l’espoir. Est-ce qu’on peut tout de même s’attendre à une fin heureuse ? Tout cela dépendra de ce que le père Gabriel fera du secret que Rose lui a confié via ses carnets intimes. Mais ne soyez pas trop optimistes… Gardez à l’esprit que ça reste du Franck Bouysse. L’auteur, que j’ai découvert avec Grossier le ciel, n’est pas un adepte du happy end, il lui préfère un réalisme rural et poétique. Vous pourrez par contre vous consoler avec l’incroyable plume de Franck Bouysse qui frôle la perfection à chaque roman. Une histoire bouleversante et une écriture magistrale dédiées à tous les amoureux des mots. 

Franck Bouysse, Né d’aucune femme, La Manufacture de livres, 2019.

2 commentaires Ajouter un commentaire

  1. Amélie Haut dit :

    Excellent choix et commentaire judicieux, comme toujours chère Désordonnée. Et, pour moi, Bouysse est une des plus belles plumes françaises d’aujourd’hui!

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  2. Mokamilla dit :

    J’ai tellement aimé ce roman ! Quel personnage que celui de Rose.

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